“Si le célèbre écrivain Onésime Bottin (1815-1907), auteur de l’utile et populaire ouvrage qui porte son nom, ne fit jamais partie de l’Académie française, c’est par l’effet de la jalousie haineuse que lui vouait son rival acharné en littérature, le vicomte Annuaire du Téléphone(Cavanna)

 

cadre_bumf.jpg Bumf vol.1
Joe Sacco – Futuropolis

Sacco livre une charge satirique contre la politique internationale des États-Unis, un travail engagé en parallèle et en soupape des reportages dont il est coutumier. Ici, on considère les territoires étrangers comme “les tréfonds du cosmos” où “les conventions de Genève et les dix Commandements” ne s’appliquent pas. Ici, on manipule les drones qui séviront là-bas comme on s’amuserait avec une console de jeu. Sacco renvoie démocrates et républicains au même cynisme, Nixon est confondu avec Obama. Tous dans le même bain, élites corrompues et peuple soumis, suppliciés et bourreaux se rejoignent dans une nudité qui fait autant référence à la prison d’Abou Ghraib qu’au déculottage de ceux qui se trouvent du bon côté du joystick. Les visages des protagonistes s’effacent progressivement au profit du sac ou de la cagoule, rendant la symbolique pesante et la lecture inconfortable sans pour autant desservir un propos qui vise — aussi — à stigmatiser le conditionnement universel, l’impuissance et la responsabilité collectives. La violence et l’efficacité de certaines planches laissent sans voix. Écriture cathartique, lecture glaçante.

 

Undertaker T1, le mangeur d’or
Ralph Meyer et Xavier Dorison – Dargaud

Album de bande dessinée au sens le plus franco-belge du terme. Malgré son statut d’icône du Far West, un personnage n’avait jusque-là pas connu le haut de l’affiche : le croque-mort. Le tort est réparé. Scénario malin, dessin appliqué par un bon élève de l’université Jean Giraud. Divertissement de bonne facture.

 

Jean Norbert T2
Mark Retera – Kramiek

Peu importe le numéro du tome. Strips absurdes animant un marchand de frites et son colocataire. Et des lutins, des extraterrestres et des clowns. On ne tentera pas de décrire ce qu’ils font. Pour résumer, disons que c’est toujours très con. Vous savez, quand vous pouffez : “mais qu’est-ce que c’est con !”, ce genre de connerie hautement recommandable.

 

Le voleur de livres
Alessandro Tota & Pierre Van Hove – Futuropolis

Toute la mythologie germanopratine. Années cinquante : les salons de littérature, la poésie qui se déclame dans des bars enfumés, le jazz, Les Temps modernes. Bourgeois d’un côté, militants communistes de l’autre et plus loin, des marginaux qui théorisent l’Internationale Situationniste sans jamais la citer (c’eût été un anachronisme). Arrivé là sur un malentendu, Daniel Brodin n’est mû que par son besoin de reconnaissance. Il subit le fort tempérament des personnages dont il croise le chemin, adopte des postures à défaut de révéler un quelconque talent : plagiaire et faussaire jusqu’au bout, incapable de participer à  l’écriture de son temps, il basculera dans la criminalité en continuant de fantasmer la littérature. Cette histoire ne se laisse jamais déborder par les références et c’est heureux, en harmonie avec le dessin expressif de Pierre Van Hove (lignée Bofa / Blain / Blutch).

 

Le merveilleux spectacle de la téléréalité
Benoît Feroumont – Dupuis

Dans notre rubrique “était-il indispensable de publier ce truc-là  ?” Un jour, vint à Benoît Feroumont l’étrange idée de croquer l’émission Koh-Lanta pour son blog, envoyé spécial depuis le canapé. L’éditeur essentialiste qui aujourd’hui compile le résultat parle d’un “merveilleux laboratoire d’observation de la nature humaine“, comme si l’être humain ne se caractérisait pas aussi par des comportements dont le spectacle télévisuel, disons le spectacle tout court, ne pourra jamais témoigner. Bref. Si le bouquin n’est pas spécialement complaisant, on constatera qu’il ne pousse pas non plus la critique, hors le service minimum que n’importe quel spectateur peut lui-même assurer sur son temps de cerveau disponible. 18 euros et quelques arbres coupés.

 

cadre_gris2.jpg Gris
Olivier Schrauwen – Arbitraire

Olivier Schrauwen les a vus, ces petits-gris qui ne sont pas des escargots car il serait surprenant d’écrire un livre sur les escargots bien qu’on puisse faire des livres sur tout et n’importe quoi y compris Koh-Lanta. Olivier Schrauwen a été enlevé par les petits-gris, des extraterrestres (petits et gris, donc) spécialisés dans le rapt sans demande de rançon. Il décrit une expérience trouble et passablement érotique — prélèvement spermatique oblige — après qu’une séance d’hypnose a fait remonter l’épisode à  la surface. À la fin, ses ravisseurs l’immergent dans un film 3D expliquant que si l’humanité continue de se foutre sur la gueule, l’univers est mal barré. Une initiative déconcertante de la part d’aliens qu’on imaginait intellectuellement plus affûtés, car pour adresser des messages à portée éducative sur la Nature Humaine il n’est pas nécessaire d’enlever les gens, une séance de Koh-Lanta suffit. Gris est un fascinant petit livre. Dessin faussement approximatif et police délibérément grasse, tout ceci participe à l’efficacité de ce que nous n’oserions qualifier d’OVNI littéraire. Si ? Notons que les éditions Arbitraire publient simultanément un recueil de bêtises de l’inénarrable Antoine Marchalot (intitulé Un vrai guerrier ne meurt jamais même si ça signifie la mort), preuve qu’elles méritent toute votre attention.

 

cadre_juniors2.jpg Juniors
Hervé Bourhis et Halfbob – Futuropolis

Teenage comix. Raconte l’errance de jeunes branleurs qui voudraient (elle) voir un concert à Paris ou (lui) coucher avec elle. Bourhis excelle dans les dialogues et les mises en situation, Halfbob dessine sans grande invention mais avec efficacité. Notons que la discographie de Dinosaur Jr. sert de fil musical au livre — d’où le titre –, confirmant le caractère profondément humaniste de l’histoire et l’espoir que les auteurs placent en la jeunesse : “regardons la lumière“, nous disent-ils en substance, “Kendji Girac et Libérée/Délivrée n’ont pas bousillé toutes les oreilles“.

 

Nicole (et Franky)
Collectif – Cornélius

Reprenons le principe : Les Requins marteaux et Cornélius ont décidé de faire leur almanach. Celui des Requins sort l’été et s’intitule Franky. Celui de Gilbert se nomme Nicole et paraît l’hiver, les deux se répondent sans jusque-là franchement se parler. Contents de retrouver l’équipe renouvelée de Ferraille en juin dernier, je dois reconnaître que nous avions quelque peu fermé les yeux sur les faiblesses de Franky (aucun lien entre les dessins accumulés, extraits d’œuvres parfois publiées par ailleurs…). Tout ça pour vous convaincre d’en acheter des caisses, ce que vous n’avez pas hésité à faire vu le rapport quantité-prix. Je profite d’ailleurs de la tribune qui m’est offerte pour vous remercier au nom de toute la Chaîne du Livre. Mais Nicole est une vraie bonne revue gorgée de planches originales, de bandes complètes et de pages intermédiaires brocardant avec humour l’industrie de la bande dessinée. C’est pour ainsi dire Franky, mais en mieux, car la Femme est l’avenir de l’Homme. Vous pouvez en acheter des caisses.

 

L’oeil de la nuit
Serge Lehmann, Gess et Delf – Delcourt

La Brigade Chimérique continue de germer. Cet épisode centré sur le Nyctalope se passe, tout comme L’homme truqué, quelques années avant “la fin des super-héros européens”. L’habileté à jongler avec les tourments politiques et sociaux, la recherche scientifique ou la création littéraire de l’époque est toujours au rendez-vous mais la lassitude pointe. Action trop linéaire, citations confinant au système, personnages abandonnés à l’archétype (du savant fou façon Frankenstein aux anarchistes trimballant leur couteau entre les dents, en passant par la femme fatale équipée de résille sous son pantalon d’aventurière). Décevant.

 

cadre_doctors.jpg Doctors
Dash Shaw – Ça et là

Présupposé : la première phase de la mort consiste en un prolongement chimérique de la vie. Le défunt perpétue une réalité désormais déconnectée de celle des vivants mais bien plus désirable, où se dissolvent ses désespoirs, échecs et frustrations. Un scientifique a mis au point une machine qui peut ressusciter les personnes se trouvant dans cette phase. Il lui a donné le nom de Charon, référence au “passeur des Enfers” de la mythologie grecque. Aimeriez-vous l’interruption brutale d’une réalité fantasmée au motif que vos proches vous veulent auprès d’eux, pour continuer d’accompagner leur “vraie” réalité ? Réflexions interrogeant la liberté et le choix, aussi le sens de la vie (fût-elle post-mortem). Démarche plastique assez radicale dans le traitement des couleurs, déjà envisagée par l’auteur californien dans son précédent livre (New school). Les variations permettent de souligner ponctuellement l’action, de cadencer la lecture, imposent au lecteur de plisser les yeux sur des pages entières. Mélancolique et métaphysique : un bel ouvrage, on peut juste regretter que la syntaxe restreinte du dessin atténue parfois la profondeur du sujet (et que l’intervention de la police dans le laboratoire soit un peu tirée par les cheveux).

 

Trish trash, rollergirl sur Mars T1
Jessica Abel – Dargaud

Une jeune fille vivant sur Mars ambitionne de faire carrière dans le sport pour se réaliser et sortir de sa condition sociale. La bande dessinée comme cinéma du pauvre — enfin, façon de parler, parce qu’à 12,99 euros les 10 minutes de lecture ça fait quand même un peu cher. Le dessin et la mise en couleurs n’ont pas d’autre vocation que servir le récit, il n’y a rien à contempler mais pas de suggestion non plus, uniquement de la démonstration, aucune image sur laquelle s’appesantir pour mieux s’envoler : la forme reste obsédée par les tics hollywoodiens. Pas antipathique sur le fond, à emprunter en médiathèque une fois la série achevée (trois tomes).

 

Sans pardon
Yves H. et Hermann – Le Lombard

Western “crépusculaire” ? Pénible, surtout. Tortures, viols, exécutions sommaires avec une prédilection pour la balle dans la tête car c’est plus spectaculaire quand ça gicle. Où ces traces de sang vont-elles nous conduire ? Est-ce qu’on est là pour rigoler ? S’agit-il d’une réflexion nihiliste sur la “nature humaine” (certains personnages font semblant d’être ambigus quand les autres se contentent d’être détestables) ? Scénario creux du fils, dessin maladroit du père : on se rêve Peckinpah mais en fait, comment dire.

 

cadre_gris.jpg Les gris colorés
Victor Hussenot – La Cinquième couche

Exprimer l’instabilité des émotions et les interactions sociales en modifiant la couleur du personnage, rendu à l’état de caméléon de ses propres sentiments. C’est le principe même du dessin que de signifier avec le trait, le cadrage, le motif… Tout passera ici par le motif. Cadrage égal, êtres réduits à des miniatures de 3cm, on ne les distingue que par leur corpulence ou leur organisation capillaire. Et leur couleur, donc. Quelques tâches supplémentaires pour planter le décor, pas de contour ni de case, le burlesque naît de l’expression corporelle et de l’évolution chromatique du bonhomme selon sa situation, ce que lui dit l’interlocuteur, ce qu’il a consommé. Cassandre, Steinberg et Mazzucchelli veillent sur ce petit livre attachant.

 

Retour à  zéro
Thierry Smolderen et Laurent Bourlaud – Ankama

Un espion est propulsé depuis la Terre vers la Lune, lieu d’exil des pires criminels que la planète bleue ait portés ainsi que leur descendance. Cette humanité de seconde zone s’est organisée en société totalitaire et projetterait d’anéantir ceux qui l’ont répudiée. Adaptation érudite d’un récit d’ “anticipation” de Stefan Wul. Charme désuet des dialogues, dessin de grande classe en circonvolutions géométriques et aplats de couleurs évoquant la science fiction de papa aussi bien que le futurisme et le constructivisme. Plus une postface éclairant doctement la réalisation de l’ouvrage : jubilation communicative, mission accomplie.

 

Tonic
Mathieu Lefevre et Jérémy Piningre – L’Association

Bande dessinée de plate-forme : un petit personnage inspiré de Sonic le hérisson court après “la fille” de plateau en plateau. Le jeu de la séduction comme un jeu vidéo ? Mouais. Une lecture en Noir & Blanc qui “file comme une comète” en rappelant autant les pixels vintage que certaines pages de Philippe Druillet.

 

cadre_paille.jpg Feu de paille
Adrien Demont – Six Pieds sous terre

Pour Adrien Demont, l’aventure semble circonscrite aux champs de luzerne où quelques balles éparses attendent qu’on les rentre pour l’hiver. Feu de paille serait ainsi le prolongement, voire la réécriture de Tournesols paru en 2008 aux éditions Scutella. On y retrouve la figure de l’enfant sauvage abandonné ou s’étant livré lui-même à une nature domestiquée par l’homme. On retrouve aussi Buck, ce drôle de chien faisant osmose avec la niche qui l’abrite, créé pour La Cerise en 2010 (in Clafoutis n°4). L’auto-citation renvoie à la trame de ce livre en forme de boucle. Trois générations d’enfants courent la campagne et frissonnent à l’heure où la lune allonge les ombres. Hurlements dans la nuit, tout le village est sur le pied de guerre. Plus que l’histoire, c’est la poésie et surtout l’appétit de dessin qui emballent. Étrange et entêtant, un beau livre de bandes dessinées.

 

Moonhead et la music machine
Andrew Rae – Dargaud

Énième variation sur le thème du passage, mettant en scène le lycéen impopulaire qui, après avoir subi le harcèlement imbécile de certains camarades, prend sa revanche en se révélant au monde. Ajoutons une symbolique taillée à la hache : le héros est lunaire et rêveur ? Ok, remplaçons sa tête par une lune. Son copain est tellement timide et discret que personne ne le voit ? Ok, affublons-le d’un drap pour souligner son statut fantomatique. Mais l’auteur prend le temps d’exprimer les choses en exploitant assez finement les métaphores, la famille Lune et les bellâtres antipathiques sont irrésistibles. Au bout du compte, une lecture douce et recommandable.

 

cadre_coupures.jpg Petites coupures à  Shioguni
Florent Chavouet – Philippe Picquier

Ça se présente comme une enquête où les points de vue des témoins s’opposent pour mieux se compléter, sur la piste d’une jeune femme qui sans cesse se dérobe. Un chaos que l’image de couverture introduit très bien, où les faux-semblants sont rois, où les yakuzas se révèlent davantage pieds nickelés que mafieux psychotiques. Florent Chavouet, remarqué pour ses deux carnets Tokyo sampo et Manabé Shima (publiés chez ce même éditeur spécialisé dans l’extrême-orient), réussit doublement son polar humaniste, burlesque et ciselé, en l’assaisonnant de condiments qui rappellent ses travaux précédents. Odeurs et saveurs soutiennent les tribulations des policiers et autres protagonistes lancés à la poursuite de cette jeune femme. L’écriture au pinceau nécessite une certaine concentration mais colle au plus près de la calligraphie japonaise, contribuant elle aussi à l’immersion du lecteur et à l’expérience sensorielle. Un des meilleurs livres de la saison, à lire et à relire pour reconstituer l’édifice en gardant à l’esprit la question essentielle : qui mène l’enquête ?

 

Cases blanches
Sylvain Runberg et Olivier Martin – Bamboo

“Une plongée dans les coulisses du monde de la bande dessinée“, promet Bamboo en évitant les nuances. L’histoire : un dessinateur n’a vraiment pas envie de réaliser le nouveau tome d’une série à succès que lui réclame son éditeur, pressé par le service comptabilité de la maison mère. On trouvera dans ces pages un vague artiste, présenté comme un soûlard prétentieux dont l’ouvrage confidentiel n’aurait pu exister sans les albums mainstream des collègues qu’il méprise — chanson connue –, des gestionnaires à veston et puis des besogneux : humble dessinateur, petit prof, simple ouvrier. S’il pointe sans romantisme excessif la situation des auteurs de BD coincés dans un système économique qui les dépasse, le scénario n’évite pas le final rédempteur : après les gobelins viendra l’être humain. Et les poils, car notre héros s’est laissé pousser la barbe.
Sur la situation des auteurs, qui ne font pas forcément de la BD dite franco-belge chez les gros éditeurs, privilégier la lecture de Le bon grain de l’ivresse de Matthias Lehmann et Nicolas Moog dans le dernier numéro de Jade (“Enfin légitime ?“, 6 Pieds sous terre – 2015), quatre pages pour cibler l’essentiel.

 

Black is beltza
Fermin Muguruza / Harkaitz Cano / Dr.Alderete – bang ediciones

L’épopée d’un journaliste basque refusant de retourner en Europe après un séjour à  New-York. Dans la place avec tous les beautiful people de son temps, ne ratant aucun événement inscrit aux agendas révolutionnaire et musical des années 65 à  67. On croisera James Brown à  l’Apollo, Edie Sedgwick à la Factory, Juan Rulfo à Benito Juarez, Otis Reading à Monterey, on sera à Cuba avec le Che, à Los Angeles avec les Black Panthers, à Montreal avec De Gaulle, en Algérie avec le FLN etc. L’histoire relève de l’espionnage et du thriller mais ne suscite que peu d’intérêt dans la mesure où elle n’existe qu’en fil tendu entre une succession d’événements et de personnages inscrits au panthéon des auteurs. Dommage car la forme est généreuse, le dessin et la mise en couleurs valent vraiment le détour.

 

Little Tulip
Boucq & Charyn – Le Lombard

Un tatoueur new-yorkais poursuivant un serial-killer se remémore ses vertes années au goulag. Le flash-back constitue la partie la plus réussie du livre, malgré quelques situations involontairement grotesques (ah ! Le garçon qui tatoue son propre torse avec la main momifiée de son père…). La conclusion de la chasse à l’homme tient par contre du foutage de gueule, par sa façon grossière de convier tous les protagonistes au banquet final.

 

Tsav 8
Gilad Seliktar – Ça et là

État d’urgence en Israël, l’auteur est mobilisé pour aller remettre à d’autres réservistes leur ordre de mobilisation. Ceux-là ne sont pas toujours très motivés pour partir à la guerre mais là n’est pas l’objet d’un livre qui ne raconte finalement pas grand chose hors la passivité égocentrique de son auteur. Seliktar se décrit comme un homme déphasé mais soumis, ne questionnant jamais la légitimité de ce qu’on lui impose sauf à pleurnicher pour obtenir des affectations plus adaptées à son activité de dessinateur. Il retrouve sur un mur d’école la reproduction enfantine d’un dessin réalisé lors de son service militaire, se met en tête de retrouver le type qui se l’était fait tatouer sur le ventre et c’est à peu près tout. Trait élégant, action lente et contemplative. Pas politique du tout, donc : si vous cherchez un éclairage sur le conflit israëlo-palestinien, passez votre chemin.

 

cadre_fatherland.jpg Fatherland
Nina Bunjevac – Ici même

Le terrorisme, du point de vue de la famille du terroriste. Nationaliste serbe exilé au Canada avec son épouse et ses trois jeunes enfants, Peter Bunjevac ronge son frein et pose peut-être des bombes au foyer croate d’à côté. Sa femme décide d’emmener les gosses visiter leurs grands-parents restés au pays (une des deux filles est Nina, l’auteure de cette biographie familiale). Oh, une quinzaine de jours, pas plus : ainsi présente-t-elle le projet à son mari alors que sa véritable intention est d’abandonner cet homme et fuir la violence. Choix cornélien : il refuse que leur fils soit du voyage… Ce récit autobiographique au dessin léché transcende la dépression et la tristesse pour exposer le contexte politique, la construction du mal, la destruction psychologique des proches. Une résonance certaine avec l’actualité : à lire absolument.

 

cadre_kinderland.jpg Kinderland
Mawil – Gallimard

Berlin Est, 1989. Pourquoi nous enquiquinent-ils avec leur chute du mur, là, alors qu’on a un tournoi de ping-pong super important à assurer ? Les adultes n’ont décidément pas le sens de l’importance des choses. Tendres et lucides, des souvenirs d’enfance à portée (presque) universelle. Le contexte singulier leur donne une saveur évidemment très particulière.

 

La gigantesque barbe du mal
Stephen Collins – Cambourakis

Un type d’Ici voit soudain sa barbe pousser. Une menace venue de ? Livre joliment réalisé mais lourdingue dans son moralisme à deux balles censé questionner la peur de l’altérité.