Tant de livres, si peu de temps. Chroniques express par Contrebandes, en vrac et en toute mauvaise foi, de quelques bandes dessinées récentes à destination des ados et des adultes. Dernières entrées en haut de la liste.

 

Irène et les clochards
Ruppert et Mulot – L’Association

L’errance d’une jeune femme atteinte d’un cancer. Sinistres pensées et solitude. Quand Ruppert et Mulot abandonnent l’humour, ne restent que la cruauté et le désespoir et parfois, l’envol. Construction narrative absolument remarquable. Si vous ne connaissez pas Ruppert et Mulot, visitez la succursale.

 

Storeyville
Frank Santoro – Ca et là

Un jeune hobo trace la route à la recherche d’un ancien camarade d’aventure. Roman d’initiation et d’amitié. Livre grand format, teintes ocres et grises, découpage identique pour chaque planche : gaufrier de cinq fois trois cases. Si le dessin touche parfois à l’abstraction, ce n’est jamais gratuit : le mouvement évolue au fil de la perception, de la pensée des protagonistes. L’être humain n’est pas toujours concentré avec la même acuité sur son environnement, c’est en partie ce que nous raconte le dessin libre de Santoro. Passionnant.

 

Veena et les spectres du temps
Éric Thériault – Les 400 coups

Divertissement d’origine québécoise, câlisse. Les aventures scientifico-fantastiques d’une punkette à Montréal. Pour ados.

 

Spider-man, les illusions perdues
David Hine & Fabrice Sapolsky & Carmine di Giandomenico – Panini

Dans la série “les auteurs s’amusent avec la franchise Marvel”. Ici, on transpose les personnages dans l’Amérique ravagée par la crise de 29. Entre Angela Davis et Louise Michel, tante May devient une pasionaria haranguant les foules, les méchants s’échappent d’un cirque qui doit ressembler à  celui des Freaks de Tod Browning, Peter Parker se trimballe dans un costume très vintage : trench coat, cagoule et lunettes d’aviateur. Plaisant.

 

Flood !
Eric Drooker – Tanibis

Ce récit sombre et fort, sans texte ou presque, renvoie aux gravures rebelles de Otto Nückel et Giacomo Patri réalisées à l’époque de la grande dépression. Ici, la carte à  gratter remplace le lino que ces auteurs utilisaient comme support, mais l’intention est similaire. Drooker décrit un monde qui se noie, le nôtre. Un ouvrier devenu chômeur dérive dans les entrailles de la ville à la recherche d’une épaule. À quoi bon ? Le déluge finira par tout emporter, l’armée et la police, les immeubles et les usines, toute l’humanité corrompue. Une arche flotte entre deux toits et Noé, ex-vendeur de parapluies, recueille le chat du personnage principal tandis que celui-ci se fait bouffer par les requins. On n’est pas obligé de lire uniquement des trucs gais, non plus.

 

Simon Dark
Steve Niles & Scott Hampton – Panini

Pour nos amis les goths : un super gentil recousu de partout. L’intrigue se passe à Gotham, la ville du Batman ici absent. Sciences occultes, décapitations, meurtres en série, folie sectaire, jeunes filles à protéger, bref, la routine.

 

George Sprott
Seth – Delcourt

Seth continue d’explorer un chemin emprunté à l’occasion de son précédent livre, Wimbledon Green. Le lecteur est invité à reconstituer la biographie imaginaire d’une fausse vieille gloire de la télé locale, George Sprott, grâce aux témoignages parcellaires de personnages ayant croisé sa route. Plus profond et moins drôle que Wimbledon Green, George Sprott s’intéresse surtout à la mort, aux regrets, au temps perdu qu’on ne retrouve plus. Il ne faudrait pas réduire ce magnifique ouvrage (dimensions hors normes) à un objet de bibliophile.

 

Eco T1, la malédiction des Shackelbott
Guillaume Bianco & Jérémy Almanza – Soleil (Métamorphose)

Première partie d’un conte illustré qui devrait en comporter trois (de parties). L’histoire s’adresse au public, disons, de Coraline. Pour l’instant, difficile d’accrocher si vous n’êtes pas une pré-ado dont les parents sont des gros nuls, mais attendons la suite. Réalisation léchée.

 

Jenny Finn
Mike Mignola & Troy Nixey & Farel Dalrymple – Emmanuel Proust

Mignola au scénario uniquement. Hommage rendu à l’univers de Lovecraft. Une espèce de Cthulhu marine contamine les habitants d’une ville portuaire. Conte gentiment horrifique.

 

Love
Hélène Bruller – Drugstore

“Toujours aussi iconoclaste, Hélène Bruller brosse le portrait décapant de son entourage”, dit l’éditeur. Mouais. Hélène Bruller lustre surtout les clichés, du copain-gay-qui-adore-le-shopping à la bombasse cruche, en passant par le néo baba paix-et-amour, etc. “Un portrait partial, subjectif et corrosif, où tout le monde reconnaîtra ses voisins, ses collègues de bureau ou sa famille”. Ah bon ? Lourd et pas très drôle.

 

La nouvelle bande des Pieds nickelés
Trap et Oiry – Delcourt

La bonne idée : redonner vie à Croquignol, Ribouldingue et Filochard un siècle plus tard ou presque ! Et ça fonctionne ! Parce que l’époque s’y prête, parce que Trap et Oiry ont su adapter l’esprit anarchisant de la bande au monde moderne. Ludique et politique, dialogues savoureux et dézingage à  tout va. Le premier tome s’intitule Pas si mal logés. Au programme : squats, marchands de sommeils, sans-papiers, love hôtels, hommes politiques cyniques et chanteuses impliquées. Dense, quoique un peu court pour du cartonné couleur à dix boules (32 pages).

 

Manœuvres
Baladi – Atrabile

Le monde est séparé en deux catégories de personnes : les inconditionnels de Baladi et les autres. Qui n’en ont jamais entendu parler ou qui boudent son talent singulier, son trait rond et son propos radical, souvent. Une bonne façon de découvrir son travail : suivre les aventures de Benny, homme saucisse à la recherche de l’Amour qui par défaut se contenterait bien de sexe. Manœuvres est le troisième volume consacré à ce personnage pathétique, après Mort disco et Disco man. Benny rencontre ici l’alter-ego de l’auteur, chacun manœuvre pour arriver à ses fins. D’où le titre.

 

Les Lecteurs
François Ayroles – L’Association

Dans la même collection et le même registre que Les Penseurs et Les Parleurs du même François Ayroles, membre éminent de l’OuBaPo. En moins inspiré.

 

La saison des flèches
Samuel Stento et Guillaume Trouillard – La Cerise

Variations burlesques et surréalistes sur des thèmes déjà exploités dans Colibri, précédent ouvrage de Guillaume Trouillard : le rapport de l’homme à la nature, l’urbanisation, la persécution des peuplades indigènes. Un couple occidental adopte une famille indienne (en conserve) pour chasser l’ennui. Les grands espaces s’invitent dans leur intérieur. Convertis à la cause indienne, ils devront affronter les chercheurs d’or, le Ministère de l’Identité nationale et les techniciens de la DDE. Inclassable, superbe.

 

Pénélope et Marguerite
Lorenzo C. et Laurent Bramardi – Les Enfants rouges

Marguerite expérimente la douleur chargée de mort de son mari revenu d’un camp de concentration. Faut-il se sentir coupable de l’horreur subie par autrui ? Doit-on arrêter de vivre ?
Pour les admirateurs de Duras et ceux qui aiment le silence. P.

 

Street angel
Jim & Rugg & Brian Maruca – Le Lézard noir

Une pépite en provenance des sous-terrains de la bande dessinée nord-américaine. Street angel conte les aventures héroïques d’une jeune SDF de 12 ans, experte en skateboard et en arts martiaux, qui défend son très dangereux quartier contre les méchants de tous poils (ninjas, pirates, robots, scientifiques fous). Sous un trait évoquant celui d’Adrian Tomine, Street angel multiplie les références à la contre-culture (blaxploitation, films horrifiques japonais, arts et sports urbains etc.). La mélancolie s’immisce entre deux bagarres, l’humour est omniprésent : une belle découverte.

 

1h25
Judith Forest – La Cinquième couche
Un crayon dans le cœur
Laurel – Vraoum!

La bande dessinée autobiographique par ses antipodes.
D’un côté le récit âpre et sans concession d’une jeune femme faisant le point sur sa vie avec le Journal de Fabrice Neaud en perspective ; de l’autre les chroniques cucul la praline d’une gentille dessinatrice qui n’a rien à dire, avec La petite maison dans la prairie en ligne bleue des Vosges. On suspecte l’éditeur de Laurel d’avoir été très motivé par le “nombre de visiteurs uniques / jour” du blog de la dessinatrice, puisque son bouquin porte le même nom et qu’il reprend des chroniques déjà lues sur le Net. Bref, n’achetez pas Un crayon dans le cœur.
L’ouvrage de Judith Forest, dont le titre suggère la durée du voyage en train entre Paris et Bruxelles, est infiniment plus troublant. Il crée l’inconfort en abandonnant le lecteur à sa position de voyeur, dont la curiosité sera encore stimulée par le nombre de VIP de la bande dessinée indé qui s’immiscent dans les pages, quand ce n’est pas directement entre les cuisses de l’auteure. Judith Forest ne se ménage pas, ne ménage pas non plus ses interlocuteurs, ses amis, ses parents, ses lecteurs renvoyés à leurs propres questionnements. Les commentaires cliniques et les dessins, souvent inspirés de photos, donnent toute sa puissance à un livre qui mérite franchement qu’on s’y arrête, à condition de ne pas être réfractaire aux déballages autofictionnels.

 

Les loups-garous de Montpellier
Jason – Carabas

Auteur norvégien, Jason développe un univers faussement naïf peuplé de personnages anthropomorphiques au regard vide, souvent taiseux. Cet album n’est pas dénué de dialogues ni de loups-garous, que l’on distingue des individus sains de corps à leur dentition un peu plus incisive que la moyenne et des oreilles légèrement pointues. Mais les loups-garous importent peu, il est surtout question de l’amour contrarié entre un hétérosexuel et une lesbienne. Agréable, mais sans grand relief dans la surproduction de saison.

 

Blast T1
Manu Larcenet – Dargaud

Larcenet se fait un plan contemplatif à la Taniguchi. Blast est un livre gros qui prend son temps, tout comme son personnage. Très jolies plages en N&B. On attendra la fin de l’histoire pour émettre un avis plus approfondi, d’ici deux ou trois tomes du même acabit (200 pages).

 

Diables sucrés
Clément Baloup & Mathieu Jiro – Gallimard

Une bande de mômes découvre la vie. Chroniques hésitant entre le réel et le fantastique, l’imaginaire haïtien et le bestiaire japonais, le léger et le grave. L’histoire elle-même hésite à s’achever. Beau travail infographique.

 

Spacegirl
Travis Charest – Carabas

À lire comme un hommage aux bandes dessinées de SF des années quarante, Flash Gordon et consorts, avec un soupçon de Moebius, une touche de Gillon et une pincée de Serpieri. Format à l’italienne, une case par page et 56 au total. Une comptabilité assez peu poétique mais à 15 euros le bouquin, il me semblait important de la tenir. Agréable exercice de style au demeurant.

 

Arrête d’oublier de te souvenir
Peter Kuper – Ça et là
Misery loves comedy
Ivan Brunetti – Cambourakis

Curieux comme on reproche à la littérature française moderne d’être centrée sur le nombril des écrivains, avec des romans intimes qu’on oppose souvent aux grands récits épiques d’outre-Atlantique. En matière de bande dessinée, c’est le contraire. Le sujet de prédilection des grands auteurs d’Amérique du nord se limite souvent à eux-mêmes. Sur une liste où figurent déjà Dan Clowes, Robert Crumb, Peter Bagge, Joe Matt et Chris Ware, on ajoutera désormais les noms de Peter Kuper, connu en France pour ses belles relectures de Kafka et d’Upton Sinclair, et d’Ivan Brunetti, que Chris Ware qualifie de «secret le mieux gardé du comix américain». Kuper livre une autobiographie touchante s’étalant sur une trentaine d’années, Brunetti conçoit sa bande dessinée comme une psychanalyse (son comix s’intitule Schizo) où il apparaît comme un être égocentique, dépressif, pathétique. Le résultat pourrait être très pénible, il est férocement drôle (bien plus que les derniers Joe Matt, par exemple). Deux ouvrages d’une facture impeccable.

 

Dungeon quest, tome 1
Joe Daly – l’Association

Ce pourrait être l’adaptation en bandes dessinées d’un jeu de rôle, sauf que ce récit est né de l’esprit embrumé d’un jeune auteur sud-africain. Il reprend les codes du genre, oui, (formation d’une équipe, évolution des caractéristiques des personnages, quête initiatique) mais pour mieux les pervertir. Nos héros rencontrent de bien étranges poètes et fument beaucoup d’herbe. Ligne claire, action, aventures et zizis à l’air. Un livre à retenir, dans l’avalanche éditoriale du moment.

 

H27
Younn Locard – L’Employé du Moi

Une pandémie s’abat sur Bruxelles, les animaux et les gens meurent, le gouvernement installe un couvre-feu. Récit d’anticipation sur le mode N&B intime, à lire en ré-écoutant les derniers discours de Roselyne Bachelot. Ça vous changera d’une bande son musicale, quoique les trémolos de la ministre le soient plutôt (musicaux). La structure du récit est audacieuse, l’auteur n’épargne pas son proche entourage puisqu’il pioche ici les protagonistes de son histoire.

 

Faker
Mike Carey & Jock – Panini (Vertigo)

Peut-on concevoir une espèce de Golem en vomi ? Peut-on matérialiser la mémoire ? Ce qui est bien avec la bande dessinée, le cinéma ou la littérature, c’est qu’on peut traiter les sujets les plus fous sans se préoccuper de pertinence scientifique. Une forme de licence poétique, en quelque sorte. Une licence poétique en vomi.

 

Whiteout
Greg Rucka & Steve Lieber – Akileos

Honnête récit policier dans un univers oppressant. Un mot sur l’édition française : La première page de couverture n’est pas un dessin mais la photo de Kate Beckinsale que l’on trouve sur l’affiche du film. Reprenons : Whiteout est une bande dessinée adaptée à l’écran, le film sort ces jours-ci. Akileos met toutes les chances de son côté pour ne rater aucune vente (en hypermarché ?), collant même un sticker “la BD qui a inspiré le film” sur la photo de l’actrice. L’allégeance du neuvième Art au septième. “La BD, finalement, c’est un bon pis-aller en attendant la sortie du DVD”, semble dire l’éditeur.

 

Hector Umbra
Uli Oesterle – Akileos

L’histoire très originale d’une disparition (dit comme ça, ce n’est pas très original). Folie, fanatisme, phénomènes de masse : tout s’explique enfin ! Contre la manipulation mentale : l’amitié et l’amour. Message positif. Bon gros livre. P.

 

Francis rate sa vie
Claire & Jake – Cornélius

Les lecteurs de Fluide glacial apprécient tous les mois, en dose homéopathique, la saga extraordinaire de Francis le blaireau farceur. En matière d’humour glacé et sophistiqué, un trésor caché ! Les aventures de Francis se déclinent en strips de 6 cases dont la première est immuable : “Francis se promène dans la campagne” dit le narrateur. “Hop”, dit Francis. La seconde case est introduite par “Soudain” et à partir de là, tout peut arriver. “Francis se promène dans la campagne. / Soudain, son enfant disparaît sans laisser de traces, ce qui est ce qui peut arriver de pire. / Après des années de recherches infructueuses, la police conseille à la famille de faire son deuil / Soudain, l’enfant réapparaît après une fugue de 30 ans. L’accueil est plutôt froid. La famille doit faire le deuil de son deuil. / Les années passent. Les enfants quittent la maison pour de bon. Francis commence à en avoir assez de faire le deuil du deuil de son deuil. / Soudain, sa femme meurt”. Si ces quelques mots vous laissent froid, passez votre chemin. Si vous ricanez, la contamination est proche.

 

Rébétiko
Prudhomme – Futuropolis

Athènes, octobre 1936. Une journée avec les rébètes, joueurs de bouzouki et chanteurs d’un genre particulier, harcelés par la dictature de Métaxas. Introduction par David Prudhomme : “le Rébétiko est comparable dans ses thèmes au tango, au fado. On le nomme parfois le blues grec. Il s’est développé dans les quartiers mal famés, les prisons, les fumeries de haschich des ports du Pirée, de Thessalonique, d’Athènes. Les rébètes : marginaux, frères d’infortune et d’exil, déracinés de Turquie et des îles grecques survivant dans les bidonvilles aux portes des grandes cités”. On se laisse porter par cette histoire picaresque, son rythme, la musique qui s’en dégage. Magistral. David Prudhomme est un auteur de grande classe.

 

Marvel zombies (4 tomes parus)
Auteurs divers – Panini

Imaginez les super-héros de votre enfance (enfin, je m’adresse à ceux qui lisaient des histoires de super-héros dans leur enfance) animés par une de ces faims dévorantes, justement, qui vous font bouffer chaque être vivant ayant la mauvaise idée de passer alentour. Eux sont morts, pourrissants, à moitié démantibulés. Wolverine ne se régénère plus. Spiderman a mangé tante May. Dans cette pochade ne transparaît pas le discours politique habituel initié il y a une quarantaine d’années par George Romero. Robert Kirkman, auteur de Walking dead, a scénarisé deux volumes avec l’expertise du mort-vivant qui est la sienne, sans cette fois-ci se prendre au sérieux, franche poilade et gore en ligne de mire. Au final, ce sont toujours les mêmes super-méchants qui perdent mais pour une fois, leur sort est vraiment scellé. Miam.

 

Amitié étroite
Bastien Vivès – Casterman (KSTR)

Bastien Vivès éternue un livre tous les trois mois sans compter les ouvrages collectifs. Deux titres chez KSTR en 2009, bel effort. C’est comme avec la grenadine : à force, la pertinence est diluée. Encore une histoire mettant en scène les troubles affectifs de jeunes adultes. Pas complètement inintéressant. Se lit en 11mn, s’oublie vite.

 

L’enfer est pavé de bonnes intentions
Gilbert Hernandez – Delcourt

La vie effroyable d’une enfant des rues — de la décharge, pour être plus précis. D’une tristesse infinie ; très dur, aussi. Moins puissant sur la forme narrative que La rivière empoisonnée précédemment publiée chez le même éditeur. Mais l’histoire ne vous abandonne pas une fois le livre refermé, comme une trace reste sur la joue après la claque. Gilbert Hernandez, demiurge hors-pair.

 

Mademoiselle Else
Manuele Fior, d’après Arthur Schnitzler – Delcourt

Une jeune femme est contrainte de montrer ses seins à un monsieur libidineux et riche. Quelle horreur ! Spoiler : à  la fin, elle se suicide. Zut, cette révélation détruit l’intrigue. Belle époque et art déco. À quoi sert d’adapter, en représentant, une œuvre écrite comme un monologue intérieur ?

 

Sauve qui peut
Perrine Dorin et Natacha Sicaud – Diantre

Chouette dessin de Natacha Sicaud. Ca parle du mal-être de l’adolescence, de l’incommunicabilité entre parents et enfants, d’une fille qui cherche sa place et ne la trouvera certainement pas au sein de cette (pas très) jolie colonie de vacances. P.

 

Terre – Neuvas
Chabouté – Vents d’ouest

Au début du vingtième siècle, pêche à la morue et chasse à l’homme. La première partie, qui décrit le quotidien des pêcheurs et forme un documentaire sur la vie marine d’alors, est passionnante. La seconde partie est plus convenue, classique histoire de vengeance. N&B magistral de Chabouté. Lecture très agréable, un bon moment.

 

Rock strips
Collectif sous la direction de Vincent Brunner – Flammarion

Une palanquée de dessinateurs s’emparent des monuments du rock. De Little Richard à  LCD Sound System, en passant par les Pixies, New Order et même Elton John (période seventies, ouf) ! L’intelligence de ce travail collectif vient du fait qu’on n’a pas demandé aux auteurs d’illustrer des chansons — une commande bien pénible, en général — mais de donner leur version du mythe en toute liberté. Résultat souvent iconoclaste. La crème : Blexbolex, Gerner, Ruppert et Mulot, François Ayroles, Nine Antico, Tanquerelle, Lumineau, Luz, Serge Clerc, Bouzard… Et même Jean-Christophe Menu qui se fend de quelques pages sur les Pistols façon Lock groove comix hors les murs (en attendant le troisième tome de cette série essentielle chez L’Association, dont la sortie initialement prévue à l’automne est repoussée au printemps). Réjouissant, pour qui aime le gros Kenrol. Points noirs : préface de l’insupportable Mathias Malzieu (Dionysos), servi qui plus est comme argument de vente, papier médiocre, impression à Singapour.

 

Noir tango
Monnin et Philibert – Akiléos

Un marin a épousé la fille d’un grand propriétaire terrien. Il a pour lui sa divine maîtrise du tango, et contre lui la haine que lui voue sa belle famille. Jolie histoire, même si on peut douter de la validité de certains quiproquos. Dessin somptueux, courbes voluptueuses, entre Mattotti et Botero. On fait pire, comme références !

 

Pachyderme
Frédérik Peeters – Gallimard

Coincée dans un embouteillage, une jeune femme veut atteindre l’hôpital où l’on soigne son mari. Le récit s’enfonce dans l’étrange, en cultivant une ambiance labyrinthique chère à David Lynch. Magnifique, malgré une fin peut être trop explicative (pour le coup, rien à voir avec David Lynch).

 

Himalaya vaudou
Rochette et Fred Bernard – Drugstore

Pour sauver la terre et la nature, faut-il supprimer les hommes ? Thème indigeste, du point de vue du libraire. Rochette (dessin) compose quand même de magnifiques tableaux de montagnes enneigées. Agaçant.

 

Dieu en personne
Marc-Antoine Mathieu – Delcourt

Dieu revient sur terre. Il est pris en charge par un cabinet d’avocats et une agence de communication. Marc-Antoine Mathieu convoque quelques grands penseurs pour une réflexion profonde et vacharde sur notre société et son rapport au divin. S’il n’y avait qu’un livre de bandes dessinées à lire en cette saison (supplémentaire) de crise, ce serait peut-être celui-là.

 

Spam
Mahler – Reprodukt

Mahler utilise le pourriel qui infeste sa boîte aux lettres : on lui propose chaque jour, comme à vous, comme à moi, des médicaments pour enlarger son pénis ou cent fois remettre son travail sur l’ouvrage (voir plus). Il isole des bouts d’arguments de vente comme autant de bribes de monologue, qu’assènent des personnages représentant les faux émissaires de ces courriers. Au final : un livre très drôle et un bien bel objet toilé, relativement peu cher même s’il se lit vite. Disons, j’aimerais bien qu’on m’en fasse cadeau.

 

Coucou tristesse
Baron Brumaire et Sergio Slama – Drugstore

Une histoire (sans parole) par page. Pichenettes drôles et féroces pointant essentiellement la société de consommation.

 

Rock a Billy, zombie superstar
Lou et Nikopek – Ankama

Énième variation sur le thème des zombies. Entre Bubba Ho-Tep et la saga Romero. Un Z brandi bien haut. Plutôt réussi, dans le genre.

 

J’aime pas les gens qui se prennent pour…
Florence Cestac – Hoëbeke

Dans la série dirigée par Riss (Charlie hebdo), c’est au tour de Florence Cestac de nous révéler ses petites détestations ordinaires. Un exercice qui l’a manifestement beaucoup amusée. Et le lecteur avec.

 

Roi rose
David B (d’après Pierre Mac Orlan) – Gallimard

C’est beau. Mais qu’est-ce que c’est court.

 

La main verte
Hervé Bouhris – Futuropolis

Une road-BD vélocipédique. Le périple d’un père et de son fils à travers une France sans voiture, puisqu’il n’y a plus d’essence, à la recherche des grands-parents qui savent, eux, comment cultiver un potager. Fable écolo pas manichéenne. Pas mal du tout.

 

Au rallye
Pierre Place – Warum

Le Rallye est un bar de banlieue où échouent les damnés de la terre du coin, entre espoir et rancœur, ténacité et renoncement. À la fois récit policier, étude sociologique et portrait de famille(s). Construit tel un puzzle qui renvoie à La vie mode d’emploi de Georges Perec. Lu avec un peu de retard (il est sorti en mai), un très bon livre.