Au travail : L’œuvre d’une vie, autobiographique et introspective, autant qu’une réflexion sur l’empreinte artistique et la création. Aux cimaises de Contrebandes pendant quatre semaines : rencontre avec l’auteur samedi 4 mars, date de finissage de l’exposition.
Nombre de dessinateurs de bandes rechignent à montrer publiquement leurs originaux, considérant que le livre est l’aboutissement d’un travail devant s’appréhender dans sa globalité et qu’on ne saurait isoler des planches segmentant le fil narratif. D’autant que ces planches ne se suffisent pas à elles-mêmes si on doit y ajouter la couleur et le lettrage, et qu’elles ne disent rien sur le façonnage et la qualité des matériaux utilisés par l’imprimeur, pourtant déterminants dans la réception de l’ouvrage.
Olivier Josso Hamel réalise le lettrage de ses planches ainsi que leur colorisation. À la main : il encre et pose des touches de gouache blanche sur des papier de couleur préalablement découpés et collés, parfois repris au cutter si le dessin l’exige.
Aucun travail éditorial ne pourrait parfaitement traduire cette réalisation, et ce n’est pas faire injure à l’Association – une maison de référence – ni à son excellente graphiste qu’affirmer cela. On est saisi de constater, à découvrir les planches originales, que les aplats de couleur ne viennent pas d’un traitement numérique. Voir les originaux apporte dans ce cas un éclairage précieux, voire nécessaire, en complétant la lecture plus qu’elle ne l’appelle.
Au travail, deux tomes sur cinq prévus, raconte l’enfance de l’auteur. Récit sensible d’un fils de prolos ayant grandi au milieu de figures féminines, son père enfui trop tôt, un gamin «s’abreuvant aux mamelles» de la bibliothèque familiale.
Sans doute considère-t-il qu’aucune part de son approche mémorielle ne peut être déléguée et qu’il doit travailler la page comme son histoire intime, au plus proche de la matière, sans intermédiaire d’aucune sorte – fût-il informatique. Collages, dessins, associations de textures, réminiscences, puisque « la bande dessinée est un art combinatoire ».
Dans le premier tome, il utilisait un drôle de support orange, un papier de radiologie un peu fragile, un peu cassant, que lui ramenait sa tante lorsqu’il était enfant. Le stock n’était pas épuisé : quoi de plus approprié pour raconter l’histoire familiale ? Dans le second tome, le vert se combine à l’orange. Les futurs épisodes verront apparaître de nouvelles teintes.
La mise en perspective de pages successives témoigne de l’harmonie de la composition, d’un sens aigu de l’équilibre. On pourra aussi mesurer ce que la menace putative d’ayants droit âpres au gain (ceux de Hergé) implique en matière de repentirs, de corrections, un fascinant processus de distanciation.
Du 4 février au 4 mars 2017 sur les murs de Contrebandes.
Rencontre et séance de dédicaces, suivi du finissage de l’exposition : samedi 4 mars
Douce confusion (Ego comme X – 2002)
Au travail 1 (L’Association – 2012)
Au travail 2 (L’Association – 2017)
Entretien avec Maël Rannou sur du9