Invité des Littorales marseillaises, l’incomparable Benoît Jacques bifurque et s’arrête à Toulon mercredi 8 octobre : lecture, rencontre et dédicaces apéritives à partir de 18h.

Supposons que les auteurs soient tous des Benoît Jacques.

Moins de camions encombreraient les routes de France. On y verrait certes quelques Kang Gû en provenance de Palachine orientale, mais uniquement sur les départementales ou chemins vicinaux. Les libraires ne recevraient que des beaux livres, les conseilleraient avec gourmandise et n’auraient pas besoin de négocier des retours vers ces sinistres entrepôts qui forment l’antichambre du pilon.

Car un livre de Benoît Jacques, ça ne se pilonne pas.

D’un autre côté, heureusement que tous les auteurs ne sont pas des Benoît Jacques. Il faut de la diversité sinon l’ennui pointe son museau de chien battu et après on rétrécit, on sèche, on rabougrit.

D’un autre côté, c’est parce qu’elle ne ressemble à aucune autre et qu’elle est très différente d’elle même que l’œuvre de Benoît Jacques est si précieuse.

La poésie, ce n’est pas que des histoires d’amour et de toujours, c’est barbant à la fin ces histoires d’amour et de toujours. Tiens, on pourrait faire de la poésie avec des trucmuches par exemple, ça apporterait de la fraîcheur, il y aurait de l’amour en moins bling-bling, de la sensibilité pas larmoyante. Benoît Jacques fait de la poésie avec des trucmuches, dis donc, ça tombe bien.

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On ne lit pas les livres de Benoît Jacques, on les dit à voix haute. Mieux encore, on les joue. À plusieurs sinon c’est pas du jeu : quand les grands rigolent entre eux les enfants rigolent plus fort encore mais sans forcer, comme ça, naturels.

On ne rit pas toujours avec les livres de Benoît Jacques. Et pas seulement.

Créer, inventer, dessiner, écrire, ça se fait. Tout le monde peut essayer. D’ailleurs nous lisons (disons, jouons) des livres qui nous emportent bien qu’ils n’aient pas été conçus par Benoît Jacques. Ça arrive, ça arrive même assez souvent — mais quand même pas assez au regard du nombre de livres publiés. Aller cependant au bout de la réalisation, goûter le papier, titiller l’imprimeur, tous les auteurs ne font pas ça.

Parfois les auteurs éditent. Ça se fait, tout le monde peut essayer. C’est souvent un gage de qualité : aucun auteur n’a envie de bâcler un livre dont il a patiemment tricoté les pages au fil des semaines, des mois. Plutôt que de confier son travail à des gens de mauvais goût, les auteurs font alors eux-mêmes le job, s’intéressent aussi au travail d’autres auteurs qu’ils admirent, deviennent du coup un peu moins auteurs et davantage éditeurs. Mais pas Benoît Jacques qui n’édite que lui-même. Qui diffuse aussi tout seul, calligraphiant l’adresse sur le colis avant de le confier aux services postaux.

Si tous les auteurs travaillaient comme Benoît Jacques, ils seraient fourbus vermoulus peut-être tout foutus. Beno Wa Zak a l’endurance du tigre de Shaolin. Il médite dans un monastère perché sur une montagne oubliée de la Palachine intérieure, tu peux toujours t’accrocher, petit scarabée, la route est longue.

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Les Littorales, rendez-vous annuel des livres et des auteurs proposé par les libraires indépendants associés.

Merci à Sarah et Réveline des Ateliers de l’Étreinte pour la préparation de la lecture.

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