Une artiste bruxelloise sur les murs de Contrebandes. Auteure de bande dessinée et plasticienne, à moins que ce ne soit le contraire, à moins que ce ne soit la même chose. Rendez-vous particulièrement important pour nous, car les perspectives qu’ouvre son travail ne sont pas pour rien dans l’existence de Contrebandes. Dominique viendra samedi 7 juin conclure l’exposition et présenter le livre Plus si entente réalisé avec Kai Pfeiffer, à sortir aux éditions Actes sud / Frémok.
Principalement éditée par le Frémok et L’Association, elle s’applique depuis une vingtaine d’années à déconstruire les murs qui isolent la bande dessinée de pratiques artistiques réputées plus aventureuses.
Une des constantes de son œuvre est le goût de l’autre, l’appétit des confrontations esthétiques et des stimulations narratives. Sa bibliographie ne compte que quatre titres publiés en son nom propre (Faire semblant c’est mentir, Les Hommes-Loups…), dont deux sont aujourd’hui introuvables (…Portraits crachés et Souvenir d’une journée parfaite, chez Fréon). La plupart de ses réalisations, quand elles se matérialisent en objet de librairie, prennent la forme d’anthologies, d’ouvrages collectifs (L’Association au Mexique, Comix 2000, Toy comix, Match de catch à Vielsam, revues Frigobox, Lapin & Strapazin etc.), ou de pièces à quatre mains. C’est encore le cas du livre qui sortira à la fin de l’été, une coédition Frémok / Actes sud réalisée avec l’allemand Kai Pfeiffer et dont le titre même, Plus si entente, résonne comme une évidence.
Comment enrichir sa pratique artistique en la confrontant à celle de l’autre et composer au final une œuvre cohérente, l’expression de deux voies sublimées en une seule ?
Dominique n’est pas la dessinatrice d’un scénario figé par autrui, l’échange s’opère au sein d’un cadre formel où deux personnes s’expriment pour tendre à la fusion, au delà de la simple complémentarité.
Chronographie (L’Association, 2010) recueille ainsi le résultat d’un long dialogue entre mère (Dominique) et fille (Nikita Fossoul). Pendant 10 ans, tous les 15 jours, le rite exige qu’elles s’assoient l’une en face de l’autre et réalisent leur portrait respectif sans que l’aînée impose sa maîtrise à l’enfant, pour conserver la spontanéité du geste. Les visages sont ensuite placés en regard dans un carnet puis dans le livre. Ils se rejoignent quand les pages se ferment, à l’instant même où ils échappent au regard du lecteur.
Une autre constante concerne le temps pris à l’aboutissement des projets : celui qu’il faut. Pas de règle en la matière, simplement le respect de l’entreprise, avec toute la patience et les remises en question qui s’imposent. Une calamité ou un luxe — c’est selon, dans un monde régi par l’éphémère et l’instantanéité. La réalisation de Faire semblant c’est mentir (L’Association, 2007) s’étale sur une douzaine d’année. Sans doute le livre le plus intime de l’auteure, aussi un jalon de la bande dessinée autobiographique.
Faire semblant utilise les codes habituels de la BD, bulles et cases, narration séquentielle, ce qui n’est pas le cas des Hommes-Loups (Frémok, 2010), qu’on ne saurait qualifier de bande dessinée même si ce livre ne peut pas non plus être réduit à la somme des dessins et peintures qui le composent : il raconte bien quelque chose, par suggestions et par flashs, la menace et l’emprise de ces hommes-loups — pas vraiment des lycanthropes — qui portant cravate sont des loups pour les hommes réduits à l’état de moutons.
En exposition, des originaux de Souvenirs d’une journée parfaite, Toy comix, Faire semblant c’est mentir, deux carnets de Chronographie et des planches en avant-première de Plus si entente présenté lors de la venue de Dominique, le 7 juin, pour le décrochage de l’exposition.
Un très bel entretien réalisé par Xavier Guilbert à l’occasion du festival de Bastia, 2011