Écrivain et fondateur de La Fabrique, Éric Hazan vient fêter les 15 ans de sa maison d’édition à Toulon, jeudi 13 mars. Au programme : deux rencontres publiques abordant des sujets qui lui sont chers, autour desquels il a développé une singulière expertise. À Contrebandes, dès 16h30, nous évoquerons la révolution, toutes les révolutions. À la fac de Droit, Éric Hazan participera ensuite à un débat public en compagnie de Pierre Stambul, à l’initiative de l’Intersyndicale de l’université de Toulon et de l’association Varois pour la Paix et la Justice en Méditerranée : Palestine / Israël, une autre solution pour la paix ?

Fabriquer des livres, une prédisposition familiale. Joseph Hazan était libraire au Caire. Après la deuxième guerre mondiale, Fernand Hazan crée une maison d’édition, future référence en matière artistique. Installé sur tout ce papier, Éric, fils de Fernand et petit-fils de Joseph, se verrait bien en historien. Il deviendra médecin.

Sa mère est née en Palestine à une époque où l’état d’Israël n’existait pas. Son attachement à ce territoire et le déchirement lié à  la partition de 1948 marqueront son engagement politique, un temps au côté du PCF, et anticolonialiste, toujours. “Les crimes qui sont commis là  bas, d’une certaine manière, je m’en sens un peu plus responsable qu’un français ordinaire”.

Devenu chirurgien, il s’engage en 1962 aux côtés du FLN dans un hôpital de la région d’Alger. Revenu à  Paris, Il exerce à Laennec et participe à la création de l’association médicale franco-palestinienne (voir l’AFPS).

Mais en 1983, il raccroche sa bouse blanche pour s’occuper des éditions paternelles. Le métier a évolué, la concurrence est rude, les difficultés financières s’installent. À la mort de Fernand, Éric vend son nom à Hachette, conserve un temps sa position d’éditeur, finit par s’éloigner de l’industrie pour créer, en 1998, une maison qui publiera des textes “de combat” modernes ou anciens, à condition qu’ils éclairent l’avenir.

Beaucoup des ouvrages édités par la Fabrique évoquent le Proche et le Moyen-Orient. Contre les positions dominantes, Hazan défend l’idée d’un état unique en Palestine : “un seul territoire de gens libres et égaux”. C’est l’objet d’un livre écrit en 2012 avec Eyal Sivan, Un état commun entre le Jourdain et la mer.

Du philosophe Jacques Rancière, qu’il édite, Hazan reprend à son compte la notion de “maître ignorant” et s’immerge dans l’Histoire, sa passion de toujours, en particulier celle des révolutions. En tant qu’auteur, il publiera Une histoire de la révolution française qualifiée de “Robespierriste” par certains détracteurs. D’autres ouvrages sont consacrés aux Journées de juin 1948 ou à  la Commune de Paris (François Pardigon, Gustave Lefrançais, Louis Ménard, Friedrich Engels & Karl Marx), mais aucun n’a vocation commémorative : ils s’envisagent comme substance et inspiration pour la suite.

La suite, c’est l’insurrection qui vient. En 2008, Michèle Alliot-Marie se fait à son grand corps de l’État défendant la meilleure promotrice de La Fabrique, après l’arrestation de Julien Coupat et Yildune Lévy (affaire dite de Tarnac). La présence de ce petit livre dans la bibliothèque du couple arguerait, selon la ministre de l’Intérieur, de leur dangerosité terroriste. Résultat : quelques réimpressions, quelques dizaines de milliers de lecteurs, un vrai best-seller.

Selon Hazan, la révolution libérera les peuples du “capitalisme démocratique”, de la religion du travail et du pouvoir économique. L’insurrection devra s’affranchir de ses attributs historiques, il n’y aura ni barricade ni violence. Elle se traduira simplement par une rupture de flux, physiques et électroniques, l’arrêt de la machine entraînant l’effondrement immédiat des pouvoirs.

Premières mesures révolutionnaires, écrit avec Kamo, s’inscrit dans cette perspective. Avant d’être programmatique, le livre pointe les mécanismes atrophiant systématiquement le processus révolutionnaire : une révolution réussie se sera préservée d’un gouvernement provisoire et d’une constituante qui entraînent inéluctablement, à plus ou moins brève échéance, la contre-révolution.

“Quant à  la force, nous la constituerons en commun, tout en discutant, en amendant ce plan, en en formant un meilleur. Avec tous ceux qui n’en peuvent plus et qui attendent que quelque chose se lève pour nous porter ailleurs. Il faut faire vite : le vent de la révolte parcourt le monde et le domino français ne va pas tarder, comme bien d’autres avant lui, à  tomber. Rencontrons-nous. Organisons-nous. Soulevons-nous”.


Révolution(s)

Rencontre, débat et signature jeudi 13 mars 2014 à la librairie Contrebandes, à partir de 16h30


Palestine / Israël, une autre solution pour la paix ?

Débat public avec la participation et le témoignage de Pierre Stambul, co-président de l’UJFP jeudi 13 mars 2014 à la fac de Droit (parvis des Droits de l’Homme près de la porte d’Italie), amphi 200, à 18h30. À l’initiative de l’Intersyndicale de l’université de Toulon et de l’association VPJM.


Bibliographie :

  • L’Invention de Paris, Seuil, 2002
  • Chronique de la guerre civile, La Fabrique, 2004
  • Faire mouvement, Recueil d’entretiens avec Mathieu Potte-Bonneville, L’Échappée, 2005
  • LQR : la propagande du quotidien, Liber-Raisons d’agir, 2006
  • Notes sur l’occupation : Naplouse, Kalkilyia, Hébron, La Fabrique, 2006
  • Changement de propriétaire, la guerre civile continue, Seuil, 2007
  • L’Antisémitisme partout. Aujourd’hui en France, avec Alain Badiou, La Fabrique, 2011
  • Paris sous tension, La Fabrique, 2011
  • Un État commun. Entre le Jourdain et la mer, coécrit avec Eyal Sivan, La Fabrique, Paris, 2012
  • Une histoire de la Révolution française, La Fabrique, Paris, 2012
  • Premières mesures révolutionnaires : après l’insurrection, La Fabrique, Paris, 2013
  • La Barricade : histoire d’un objet révolutionnaire, éditions Autrement, Paris, 2013

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