Rarement présentés dans le Sud-Est, les originaux de François Roca s’affichent jusqu’à la fin du mois de septembre sur les murs de Contrebandes. Bel échantillon des travaux accompagnant les histoires de Fred Bernard (dont quelques images issues de l’album à paraître en octobre, Rose et l’automate de l’Opéra). Rendez-vous samedi 14 septembre en librairie : François et Fred seront là tous les deux à partir de 15h.

François Roca peint pour illustrer des histoires estampillées jeunesse. Même s’il lui fait parfois des infidélités, c’est avec Fred Bernard qu’il réalise la plupart de ses livres. Cette complicité remonte à bientôt 20 ans pour à peu près autant d’albums. De l’action, toujours, des conquistadors, des petites déesses indiennes, des hommes-tronc borgnes. Les personnages principaux sont souvent féminins, comme dans ces bandes dessinées de Fred Bernard qui prolongent les œuvres signées à deux. Lui déborde d’histoires, et comme le cadre du livre jeunesse ne suffit pas à tout raconter, il lui faut continuer sous une autre forme. Après Le Mokélé, les aventures de Jeanne Picquigny se sont ainsi développées dans La tendresse des crocodiles, L’ivresse du poulpe et plus récemment La patience du tigre.

Mais les livres signés par le tandem sont-ils à destination des enfants ? Quels enfants ? En quatrième de couverture, on ne trouve pas les indications qui calibrent la lecture et fixent un âge de péremption : à partir de 8 ans, roman ado etc. Voilà des albums, certains en tout cas, dont s’empareront des jeunes personnes plutôt enclines à repousser les livres illustrés pour marquer leur émancipation, parce qu’elles aiment à penser qu’elles ne sont plus des enfants.

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Après l’acrylique, François Roca a fait le choix de l’huile. Sur le côté de sa grande planche à dessin sèche un magma de couleurs. On retrouvera peut-être la chronologie des histoires par une vue en coupe, en tranchant le magma pour une analyse géologique.

Peinture réaliste. Ce genre exigeant radicalise les positions. Exigeant, parce qu’il nécessite une solide base documentaire, une gourmandise de vues et d’images déjà  existantes. Plusieurs centaines de clichés ont été réalisés par François lors d’une visite privée de l’Opéra Garnier afin de préparer la réalisation de Rose et l’automate de l’Opéra. Il se nourrit d’autres peintures (réalistes, forcément), aussi de films, car se considère comme un metteur en scène. Effectivement, il y a dans chaque livre une séquence d’images qui demandent à être appréciées dans la globalité de ce qu’elles montrent.

Pourquoi ce travail plaît-il tant aux enfants et à de nombreux adultes ? Pourquoi le réalisme fascine-t-il à ce point ? Peut-être parce qu’il rassure, même quand il ne raconte pas le réel, parce que la compréhension est immédiate, parce que le réalisme réduit le champ de l’interprétation, c’est un langage confortable. Voir les amateurs face aux murs où s’étend l’exposition : il y a toujours ce moment où l’on s’approche pour examiner les détails, mais comment fait-il, ces ombres, cette lumière ? La technique fascine, trouble parfois la perception critique par la distance qu’elle installe entre l’orfèvre et le spectateur incapable.

Où l’on constatera que la technologie des scanners et le talent des infographistes, chez les éditeurs, ne permettent toujours pas une restitution égale des couleurs. Où l’on constatera la magie de l’huile, dont les nuances explosent sous la lumière.

François Roca