Court-métrage de 2008 primé de nombreuses fois (Oscar du meilleur court-métrage d’animation, Cristal d’Annecy, Prix Hiroshima), La Maison en petits cubes a été retravaillée par ses auteurs pour nous offrir un splendide album. Une œuvre emplie de poésie et de sagesse, tant au niveau du texte qui joue avec les sonorités, que sur le plan des illustrations pastel dans les tons de bleu ou de jaune, à l’aspect estompé.

Dans un futur indistinct, un vieil homme vit seul dans sa maison cubique au milieu de la mer. Les habitants de sa ville sont progressivement contraints à bâtir des étages sur leur maison, au fur et à mesure de la montée du niveau de l’eau, sans pouvoir redescendre. Il a fallu s’adapter au nouveau train de vie, aux nouveaux paysages, à une nature changeante et en constante évolution, comme nous le sommes tous. Le monde est alors une immense Venise. Certains abandonnent en chemin et déménagent, épuisés de devoir régulièrement construire plus haut. Le vieil homme reste, menant une vie quotidienne paisible au rythme de l’eau et de la nature. Sa maison est une image de la mémoire.

Les moments vécus sont toujours en nous, font partie de nous, mais nous ne pouvons concrètement les revivre tels qu’ils ont été. Cette dimension spirituelle de l’empilement matériel des cubes, nous la découvrons alors que le personnage, en pleins travaux, fait tomber à l’eau des outils. Il plonge les chercher, tout équipé. Plus il s’aventure dans les profondeurs, plus les souvenirs sont lointains. Mais ils ne sont pas nécessairement plus flous. Les moments forts — tristes ou heureux — “remontent à  la surface” avec une grande tendresse. Ils sont les empreintes de l’histoire d’amour entre un homme, une femme et leurs enfants, que nous revivons à rebours jusqu’aux prémices, à la jeunesse. C’est l’époque de la première maison du couple, sur la terre ferme, dans un monde tel que nous le connaissons.

On pourrait croire que cela se termine mal, que le vieillard s’abandonne à sa nostalgie sous-marine. Il n’en est rien. Tout comme il s’est adapté aux changements climatiques, il accepte de repenser à son passé sans pour autant en oublier le présent à vivre.

Une tendre histoire de sagesse poétique qui adoucit le quotidien.

La Maison en petits cubes, illustrations de Kunio KATÔ, texte de Kenya HIRATA, éditions nobi-nobi – 2012