Il est de ces dessinateurs de bandes qui un jour, tombent dans le cinéma. Mais son univers narratif ne change pas, concentré sur une province sans grande ambition touristique et des gens qui n’intéressent traditionnellement ni les élus, ni les médias. Désir affirmé d’évoquer un prolétariat en voie de disparition, de faire trace, en privilégiant toutefois « l’aspect poétique des choses ». Et de Cavaliers faciles à Ni à vendre ni à louer, de plus en plus, décidément, l’envie de pellicule.

Entretien réalisé par Marie-Hélène (Iconophage) et Gilles (Contrebandes) dans le cadre des 18èmes rencontres de la bande dessinée de Bastia, le 2 avril 2011.
Pascal Rabaté : L’idée des Petits Ruisseaux m’est venue en réaction à la dictature du jeunisme. On nous rabâche que la société française est en train de vieillir mais il n’y a que des mannequins jeunes et beaux affichés sur les murs. Et puis j’avais 45 ans quand s’est élaboré le projet. 25 ans plus tôt j’arrivais aux Beaux Arts, et par un effet miroir je me suis vu 25 ans plus tard, septuagénaire, quand les premiers punks entreront en maison de retraite. Quel genre de bordel ça va foutre, est-ce qu’ils seront encore punks ? J’ai commencé à broder une histoire sur un petit vieux qui vivait seul et tentait de faire des rencontres par internet. L’idée d’internet m’est vite passée, j’ai rencontré des gens qui travaillaient en gérontologie dans les hôpitaux, je me suis aussi aperçu qu’on pouvait vivre des histoires d’amour en maison de retraite, plus ou moins dramatiques — je pense au reportage avec ces infirmières alertant la famille parce que le père ou le grand-père avait une aventure avec une mamie et du coup, on séparait les vieux en les changeant de maison. Le sujet m’intriguait donc, il y avait une carence manifeste… Ajoutons que j’ai une passion pour les voitures sans permis. Dessiner ce véhicule, ça signifie déjà que le propriétaire est en état d’échec : soit il s’est fait sucrer tous ses points, soit il n’a jamais réussi à passer le permis, soit il n’a pas les moyens d’acheter une bagnole. La France qui perd m’a toujours plus intéressé que celle qui gagne.

Pourquoi ce désir du passage à l’écran ?

L’envie de faire du cinéma n’est pas récente, j’y avais déjà  touché aux Beaux Arts. Depuis une quinzaine d’années, selon les fonds dont je dispose, j’autofinance mes films.

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