Les bateaux, les pirates, tout ça… Le thème est forcément récurrent, parce que la librairie porte le nom “Contrebandes” et qu’elle est installée à cinquante mètres du premier quai de la vieille darse. Et puis la venue des grands voiliers au mois de juillet nous donne une bonne occasion de repartir à l’abordage.
Les derniers corsaires des Canadiens Houde et Richard (La Pastèque 2006) est un vrai livre de genre — combats sous la mer et honneur militaire — dont le graphisme et la narration échappent à l’académisme usuel de cette forme de récit. Pendant la seconde guerre mondiale, un second ambitieux veut devenir capitaine à la place du capitaine. Il est moins nul et méchant qu’Iznogoud alors il y arrivera peut-être. L’aventure prend dans ses dernières pages — écrites et non dessinées — une direction surprenante. On n’attendait pas d’un tel exercice de style qu’il fût aussi réjouissant.
Pour un capitaine, quel est le plus important ? Posséder un navire, ou développer la curiosité, l’imagination, le goût de l’inattendu qui permettront à l’un et à l’autre de prendre le large ? Question posée dans Le Dérisoire de Supiot et Omond chez un éditeur peu réputé pour sa témérité éditoriale (Glénat). Tout en brumes, couleurs délavées et fantômes, ce livre est somptueux.
Le capitaine Ratafia a gagné son bateau après une partie de cartes jouée contre un rival. Pothier et Salsedo mélangent joyeusement le burlesque, les jeux de mots débiles et les références contemporaines. Ils réussissent même à évoquer l’économiste Adam Smith (en mal, tant mieux) dans une bande dessinée pour moussaillons, c’est fort ! Les raisons qui font de cette série un des plus beaux succès du label Treize Etrange n’ont d’ailleurs rien à voir avec le matraquage publicitaire ni la main invisible du marché. Trois albums parus.
Isaac le pirate : saga de Christophe Blain dont l’action se situe au XVIIe siècle. Le protagoniste principal est un jeune peintre désargenté qui embarque sur un navire un peu par hasard. Style et écriture nerveuse. Au fil des épisodes, les personnages s’emparent de la plume de l’auteur pour le conduire là où ils le désirent. Il n’y a pas que Sfar qui sache aujourd’hui raconter de vraies aventures épiques avec des tripes, du sang et de l’amour. 5 tomes à ce jour (Dargaud).
Le Réducteur de vitesse (Dupuis).
Le même Blain se rappelle son service militaire et raconte l’histoire du jeune appelé de la Marine nationale qui se réfugiera, afin d’échapper au mal de mer, dans les entrailles du monstre métallique sur lequel il a été affecté. Un labyrinthe à la fois gai, sombre et oppressant. Moralité : le taille-crayon est plus fort que la machine. Essentiel.
Nemo (Treize étrange). Brüno revisite le Nautilus et son capitaine barbu. Un trait gras semi-réaliste et des aplats N&B donnent à cette version du célèbre diptyque de Jules Verne un caractère très personnel.
Polly et les pirates (les Humanoïdes associés). Ted Naifeh délaisse provisoirement l’univers goth de Courtney Crumrin et de Gloomcookie pour narrer, en couleur, les aventures d’une petite fille de bonne famille qui se découvre une ascendance hors normes. Pour très jeune public.
La Guilde de la mer de Nancy Pena (la Boîte à bulles). Homme libre, toujours tu chériras la mer… Enfin, le terme “homme” n’est peut-être pas ici le plus adapté. Il y a des Sinois félins, des Mutrides à tête de rongeur et des Reptons en forme de serpent. Chaque communauté vit sur une île en excluant ou opprimant les autres. Seule la Guilde de la mer fait le pont entre ces mondes xénophobes et apparaît comme le refuge des bâtards et des esprits libres. Deux tomes parus.
Le maître de Ballantraë de Hippolyte (Denoël). Adaptation d’un roman de Robert Louis Stevenson un peu moins connu que L’île au trésor. Deux frères issus d’une noble famille écossaise s’affrontent sur fond de lutte de pouvoir entre le roi George II d’Angleterre et le prince Charles Edouard Stuart. De magnifiques aquarelles au service de cette sombre histoire en deux tomes. On attend le second.