Retour aux fondamentaux ! Un vrai thème de bande dessinée comme on les aime depuis près de 70 ans (Clark Kent est né en 1938). Il ne sera néanmoins pas question des pensionnaires des éditions Marvel ou DC Comics car le web regorge déjà d’articles fort documentés sur la question.

Vous connaissez donc l’homme araignée, l’homme chauve souris et l’homme super dans leur version originale, sans compter les déclinaisons cartoonesques ou cinématographiques. Le genre est très codifié : un héros maniaco-dépressif, une mission chevaleresque, un amour platonique.

crazyman.jpgQuelques auteurs dont l’ambition artistique est a priori étrangère à cet univers ont manifestement beaucoup lu les comics, puisqu’ils décident un jour d’en livrer leur propre vision en se jouant des codes originaux et, surtout, en répondant aux vraies questions que tout le monde se pose.

Baudoin explique par exemple dans Crazyman (L’Association) ce qui se passe quand le super-héros perd son pucelage : il ne pense plus qu’à l’amour et néglige l’axe du mal. Ce n’est pas en filant ce mauvais coton qu’il va sauver le monde.

Berbérian et Mardon décrivent dans Cycloman (Cornélius) les déboires d’un homme ordinaire qui, à l’occasion d’un bal masqué, se procure un costume dont il aura toutes les peines à se défaire. Pour aller travailler ou prendre la douche, on fait plus pratique.

Plus que les auteurs précédents, Alex Baladi décevra les gardiens du temple. Super (Atrabile) raconte sur un mode existentiel et intimiste l’histoire de triplés dotés de pouvoirs extraordinaires. “Eh bien. J’ai longtemps hésité à écrire quelque chose en préambule à cette bande dessinée, ou à la dédier à quelqu’un. À qui ? À John de Mol (le Mol de Endemol, grand gourou de la télé-réalité européenne) peut-être ? Ou à Carl Barks (Dessinateur de l’écurie Disney spécialisé dans Donald, inventeur de Picsou, des Rapetou etc.) au moins autant… Et puis aussi à ces scénaristes et dessinateurs américains qui ont produit toute une flopée de super-héros que je n’ai en fait jamais aimés. Mieux vaut sans doute ne la dédier à personne et laisser le lecteur se dépêtrer seul de ce tissage de références”.

plageman.jpgSupermurgeman.jpgDans la famille des guignols costumés, il y a les bâtards de l’héroïsme, la honte de toute la profession, les losers, les clones mal dégrossis qui salissent la mémoire des grands anciens : Plageman l’homme plage, de Bouzard (les Requins marteaux) n’a qu’un seul pouvoir : celui de se prendre des mandales à longueur de pages. Supermurgeman de Mathieu Sapin (les Requins marteaux puis Dargaud) est un cousin dénaturé du fantôme du Bengale qui vit dans la jungle et tient ses pouvoirs de la bière qu’il ingurgite par litres. D’accord : Plageman et Supermurgeman sont des crétins. Mais le sont-ils beaucoup plus que leurs modèles ?

Dans un genre moins parodique, Herobear and the kid (V20) de Mike Kunkel (le troisième tome sort ces jours-ci) mérite qu’on lui prête une attention particulière.

Un écolier hérite d’une peluche de son grand-père avec laquelle il devient le souffre-douleur des costauds de sa classe. Or, l’ourson en question n’est pas ce qu’il semble être… Si cette série lisible par tous est un hommage aux super-pouvoirs, il s’agit surtout des super-pouvoirs de l’imagination enfantine.

comix_remix.jpgDans Comics remix de Hervé Bourhis (Dupuis), les super-héros sont organisés en confédération et, sous prétexte de la protéger tiennent la ville en coupe réglée, plus impliqués dans les campagnes publicitaires et les produits dérivés que la défense de la veuve et l’orphelin. La résistance s’organise… Une aventure en phase avec son temps, comme on dit, tant sur le fond que la forme faussement désinvolte (à  la Sfar).

Enfin, on ne peut raisonnablement pas traiter de ce thème — même de façon décalée — sans citer Alan Moore. Le scénariste anglais fut un des premiers (avec Frank Miller) à  écrire des histoires de personnages costumés à  l’intention d’un public adulte. À lire, ces chefs d’œuvre que sont les Watchmen et V pour Vendetta (Delcourt). À lire aussi, du même Alan Moore, une série moins connue mais tout aussi passionnante : Top ten. herobear.jpgElle reprend la trame des séries Hill street blues ou NYPD blues, à  savoir la chronique d’un commissariat de quartier où le plus important n’est pas forcément l’enquête en cours, et la replace dans un contexte extraordinaire, une cité où chaque habitant dispose d’un pouvoir surhumain. Entre X-men, pour le catalogue de capacités étranges, et Short cuts, pour les tranches de vie et les destins croisés. Les exploits des protagonistes sont atténués car ils sont, dans cette cité extraordinaire, comme tout le monde. Quatre tomes publiés en France (Semic), dont seuls le premier et le dernier sont encore disponibles, malheureusement.