Continuons dans les sujets qui mettent de bonne humeur. À la Toussaint nous parlerons de trépas, c’était ça ou faire un spécial Noël en décembre.

La mort, c’est d’abord l’absence. Avec Papa (L’Association – 2006) et Adieu, maman (Actes Sud – 2005), Aude Picault et Paul Hornschemeier racontent l’après, le désespoir de ceux qui restent. Les deux livres sont radicalement différents. L’une utilise un trait acéré proche du griffonnage, ses images se développent en volutes sombres et dépressives. L’autre choisit la couleur, des formes rondes et très douces qui, lorsqu’on feuillette le livre, ne laissent rien envisager de la noirceur du propos. Seuls l’apathie et les postures statiques des personnages semblent témoigner de leur accablement. Mais la différence essentielle entre les approches s’exprime par le temps écoulé depuis la déchirure.

adieu_maman.jpgDans le livre d’Aude Picault le cher disparu est omniprésent. Le drame vient de se produire. La construction du récit s’élabore au fur et à mesure par flashs, par ces va-et-vient caractéristiques de la pensée humaine. Picault n’épargne rien au lecteur. Un instantané de désespoir avant le deuil, avant que tout ne s’estompe quand le vide aura succédé au manque. “Ce qui me rend malade c’est que tu ne deviennes qu’un souvenir”.

De son côté, Paul Hornschemeier ne matérialise jamais l’absente. Adieu, maman est un roman très scénarisé où le narrateur se replonge en enfance dans les semaines qui ont suivi la disparition de sa mère. Il observe les survivants (son père et lui-même), décrit l’impossible résignation et la spirale du désespoir. “Je reconnais le fait… Pas l’absurdité à  laquelle il mène”, dit le père.

Deux livres éprouvants mais magnifiques.

Dans la même rubrique : un catalogue d’images, une succession de faux portraits d’enfants et d’animaux disparus datés du dix-neuvième siècle et début du vingtième. I cari estinti par Marion Peck (Mondo Bizzarro – 2006). Troublant.

peintre2.jpgUnTangoAvecLaMort.jpgLa mort, c’est aussi le passeur. La faucheuse qui rit souvent des mauvais tours qu’elle joue aux mortels. On retrouve ce personnage plus ou moins cynique dans Un tango avec la mort de Ulf K. (Milan – 2004), Welcome to the death club de Winshluss (Six pieds sous terre – 2002), et Le Peintre Touo-Lan de Marc-Antoine Mathieu (L’An 2 – 2004).

Nous ne parlerons pas de la mortalité comme source de l’angoisse existentielle. Sinon nous sommes encore là pour un petit moment, à lister tous les livres de la création.

welcomedeathclub.jpgConcluons plutôt sur un entre-deux magnifié par la contre-culture : la bande dessinée n’échappe pas à  la fascination des morts-vivants, ces héros aux regard si vide.

Nécron de l’Italien Magnus (7 tomes prévus chez Cornélius au format fumetto original, 20 ans après le remontage de l’Echo des Savanes) passe le mythe de Frankenstein à la moulinette punk. Hardcore et anarchie au programme.

Autres personnages récurrents, les vampires mériteraient qu’on leur consacre un thème entier, et les zombies sont toujours décrits comme des crétins agressifs qu’il convient de massacrer avant qu’ils ne vous mangent. C’est la tâche à laquelle s’est attelé The Goon de Eric Powell (Delcourt, 3 tomes parus).

Complément : le thème de l’absence et/ou de la mort dans les livres illustrés pour les enfants

Ma maman ourse est partie de René Gouichoux et Oilivier Tallec (Père castor) ;

Max et Lili : Grand-père est mort de Dominique de Saint-Mars et Serge Bloch (Calligram) ;

Marie est partie d’Isabelle Carrier (Bilboquet) ;

Tu existes encore de Thierry Lenain (poème) et Patricia Baud (photos) (Syros).